Xavier Albert : une pause pour les films français chez Universal Pictures en 2018

Deuxième meilleure année depuis la création de la structureXavier Albert : Nous avons dépassé le cap des 25 millions d’entrées avec 21 films, soit une moyenne de 1,2 million d’entrées. Il s’agit de notre deuxième meilleure année depuis la création de la structure en 2008, derrière 2015. Nous avons eu de très belles réussites surtout du côté de l’animation avec Moi, Moche et Méchant 3, leader du box-office français sur l’année calendaire et Tous en scène avec 3,5 millions d’entrées. Fast and Furious 8 a également confirmé que la franchise demeurait un vrai phénomène avec 3,8 millions d’entrées. Cinquante nuances plus sombres a aussi été un beau satisfecit avec 3,2 millions d’entrées.

Nous avons eu de nombreuses pépites à commencer par Get Out qui a rassemblé 1,2 million de spectateurs, un score hallucinant pour ce type de film. Cette surprise confirme une des tendances du box-office en 2017 : l’avènement du film de genre. Split a également très bien performé avec 1,8 million d’entrées.

Le deuxième semestre a été beaucoup plus soft que le premier. La Momie a été une déception tant en France que dans le monde. Avec 1,3 million d’entrées, le film obtient toutefois un résultat honorable. Une des plus grosses déceptions en 2017 a été Confident Royal, le film de Stephen Frears, qui finit à 170 000 entrées. Je pense personnellement que nous avons un peu raté sa sortie, ce n’était notamment pas la bonne date.

Daddy Cool - © Universal Nos trois films français [La Colle, Daddy Cool, L’un dans l’autre] n’ont effectivement pas marché. En rajoutant l’échec d’Iris en 2016, nous nous posons des questions. Statistiquement, c’est compliqué pour un studio d’aller sur des films français. Avec notre line-up très dense, nous pouvons au maximum sortir deux à trois films français par an. La probabilité d’échec est donc très forte. Sur dix films français qui sortent dans les salles aujourd’hui, seulement une de ces productions va réussir.

Non. Notre volonté est d’être présents sur ce créneau. J’aime l’idée qu’un studio américain apporte sa contribution aussi petite soit-elle au cinéma français. L’ADN d’Universal Pictures est d’être présent sur les films locaux. En 2018, nous allons volontairement faire une pause en ne distribuant aucun film français. Nous sommes en train de réorganiser la façon dont nous accueillons les projets.

Nous allons continuer à miser sur la comédieNous n’allons pas changer notre stratégie éditoriale. Nous allons continuer à miser sur la comédie. Il s’agit d’un genre très local. La comédie ne voyage pas trop. En revanche, je me pose des questions sur la comédie au sens large. Nous devons davantage affiner notre stratégie sur la comédie, voir où nous souhaitons aller. Avec la franchise Babysitting, il y a un héritage très fort basé sur l’éclosion de jeunes talents et des films à faible budget.

Trouver des relais de croissance qui n’existent pas encoreLe business model des films français est aujourd’hui très compliqué tant au niveau de la production que de la distribution. Tout comme les sources de financement, les sources de revenus sont très dures à obtenir notamment au niveau des chaînes de télévision. Nous devons trouver des relais de croissance qui n’existent pas encore. Le poids qui pèse sur la salle est beaucoup trop fort. Je me dois donc de réviser notre politique d’investissement.

La structure va se tourner vers une stratégie d’opportunitésNous n’investirons plus comme nous l’avons fait jusqu’à présent. La structure va se tourner vers une stratégie d’opportunités. Nous serons toujours à même de nous exposer aux risques du P&AP&APromotion & advertising. Nous allons rediscuter de notre commission et sans doute ne plus apporter de MGMGminimum garanti. Ce choix aura des conséquences sur notre stratégie éditoriale puisque nous n’aurons plus accès à certains films. Il s’agit d’une vraie tendance de fond. Elle ne concerne pas uniquement Universal. Le travail du distributeur doit être revalorisé. Nous devons avoir plus d’importance dans les choix faits en amont et dans l’équation économique des films. Les productions françaises demandent des mois de travail à nos équipes, bien plus que pour les films américains.

Universal Pictures reviendra avec des longs métrages français en 2019. Nous avons déjà des discussions assez avancées sur des projets.

Tout à fait. Notre line-up reste dans la lignée de ce que nous avons fait lors des dernières années. En 2018, nous avons 21 films avec une diversité très large, de l’animation au film de genre en passant par le film d’auteur porteur. Cette palette nous permet de constamment nous réinventer.

Nous avons six priorités. Notre principal film est Jurassic World : Fallen Kingdom. Nous allons énormément investir sur ce film. Le réalisateur Juan Antonio Bayona nous permet d’avoir un mélange très intéressant entre le cinéma d’auteur et le cinéma commercial, dans la lignée d’un Steven Spielberg.

Parmi les autres priorités, nous avons Cinquante nuances plus claires, qui vient clôturer la trilogie. Skyscraper, une sorte de Die Hard en Chine avec Dwayne Johnson, ainsi que le retour de la franchise culte Mamma Mia. La fin d’année sera également très importante pour Universal Pictures avec la sortie du film d’animation Le Grinch. Nous croyons beaucoup en ce film qui s’inscrit dans l’esprit de Noël et avec un environnement concurrentiel plutôt favorable. Deux semaines plus tard, nous aurons la sortie du film d’anticipation Mortal Engines, film produit par Peter Jackson.

Cinquante nuances plus claires en première mondiale à Paris le 6 février - © Universal Pictures

Il y en a beaucoup. L’année commence très fort avec le 24 janvier la sortie de Pentagon Papers, de Steven Spielberg, avec Tom Hanks et Meryl Streep. L’accueil critique et le démarrage aux États-Unis sont impressionnants. Nous enchaînerons avec la sortie de Phantom Thread, de Paul Thomas Anderson, avec Daniel Day Lewis le 14 février. Nous avons aussi un petit bijou sur la relation mère-fille avec Lady Bird, premier long métrage de Greta Gerwig le 28 février.

Lors du deuxième semestre, le film Mary Queen of Scots pourrait surprendre. Un autre film Focus pourrait faire sensation : Boy Erased, une véritable histoire de parents américains qui découvrent que leur enfant est homosexuel et qui lui proposent un terrible marché : soit il accepte de partir en thérapie pour changer sa sexualité, soit il est exilé de la famille…

2018 sera également marquée par le grand retour de Damien Chazelle avec l’odyssée du voyage sur la Lune de Neil Armstrong, interprété par Ryan Gosling.

Nous aurons également des films de genre produits par Blumhouse avec Truth or Dare et le retour de la franchise American Nightmare.

Sauf surprise, nous allons être sur une année moins forte que 2017. Nous devrions naviguer entre 15 et 18 millions d’entrées, ce qui représente en soit une bonne année.

Line-up d'Universal Pictures en France en 2018

Campagne de promotion de Jurassic World : Fallen Kingdom - © Universal L’équipe marketing dirigée par Stéphane Réthoré a cet esprit de culture innovante que je partage complètement. Il faut défricher les choses. Le distributeur doit avoir ce rôle d’avant-gardiste dans une industrie très traditionnelle. Nos deux piliers stratégiques en termes de communication sont le digital et le trade marketing.

Le lancement de la bande-annonce est aujourd’hui devenu un véritable événement culturel surtout pour les blockbusters. Nous ne pouvons pas rater ce lancement. Le mélange entre le physique et le digital est très intéressant. Il n’y a plus vraiment de frontières. Nous souhaitons importer le langage du digital dans les médias traditionnels. La radio redevient par exemple un média de promotion très attractif grâce à la mobilité apportée par les smartphones et l’explosion des plates-formes musicales de streaming. Le son retrouve son importance. Pour la sortie du film Les Heures sombres par exemple, nous avons créé des podcasts. C’est un terrain de jeu très intéressant à développer.

Je pense que la collaboration, l’ouverture d’esprit et la transparence sont les termes qui caractérisent le mieux notre filiale, composée de 26 personnes. Chez Universal Pictures, il y a un vrai amour du cinéma. C’est cette passion qui nourrit notre travail au quotidien pour tenter d’attirer le maximum de spectateurs dans les salles. Il y a une vraie responsabilité collective et une démarche vertueuse que nous développons avec les exploitants.

Propos recueillis par Florian Krieg

Xavier Albert