TF1, coulisses, secrets, guerres internes / Flammarion : un bilan sévère de la période Nonce Paolini
Paris - Publié le vendredi 18 mars 2016 à 6 h 55 - n° 202290Dès la première ligne du livre TF1, coulisses, secrets, guerres internes (Ed. Flammarion), les auteurs, Jamal Henni, journaliste à Bfmbusiness.com, et Aude Dassonville, journaliste à Télérama, préviennent : contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, un livre écrit aujourd’hui sur TF1 n’est pas obligatoirement à charge. Ce livre, ils le veulent « impartial ». Et, effectivement, plutôt que de systématiquement critiquer, l’idée des auteurs est de s’interroger sur la capacité de la chaîne à se réinventer, ce qui n’est pas facile dans un paysage audiovisuel très éloigné de ce qu’il était, bien avant l’arrivée de la TNT, alors que TF1 pouvait encore flirter avec des audiences supérieures à 30 %, voire sensiblement plus. Cela ne les empêche pas de souligner certains travers comme, par exemple, la volonté systématique de satisfaire les actionnaires par des dividendes généreux (ou en vendant la « pépite Eurosport »), plutôt que de prendre des risques en investissant pour le développement. Ni de fustiger Nonce Paolini, le tout récent ex-pdg - qui les a reçus à plusieurs reprises - dont ils dressent un bilan sévère, lui qui aurait « peu ou prou contribué à rendre inoffensif » le « mastodonte TF1 qui régnait en maître sur la planète PAF ». Un Nonce Paolini qui n’hésite pas à « faire le vide autour de lui » parmi les anciens dirigeants. Et qui, selon les auteurs, ne s’entoure que de « yes men », qui ne contestent pas son autorité et ne lui font pas d’ombre.
Les animateurs ? Un produit jetable !
Le livre évoque largement l'histoire récente de la chaîne, comme le passage éclair d’Axel Duroux à la direction générale, dont le départ forcé permet à Nonce Paolini d’asseoir un pouvoir que Martin Bouygues a sans doute voulu contester un moment. Il rappelle la longue dépendance de la chaîne aux séries, notamment Les Experts, qui pointaient jusqu'à 3 ou 4 soirées par semaine. Il évoque aussi l’animosité entre PPDA et Nonce Paolini, qualifié par ce dernier de « dingue », un qualificatif qu’il attribue également à Jean-Jacques Bourdin.
Parmi les angles intéressants du livre, l'accent mis sur le côté jetable des animateurs (et particulièrement des animatrices). Avant la porte, il y a souvent la présentation de l'Euro Millions, s’amusent-ils à souligner. Les auteurs ont également interrogé Flavie Flament qui évoque sa prison dorée avec 40 000 € mensuels garantis pendant cinq ans, au titre de l’exclusivité qu’elle doit à la chaîne, et des émissions qui lui sont confiées ou non. Une prison où elle étouffera et dont elle s'échappera.
Autre angle exploré, plus classique, les liens entre la chaîne et le pouvoir, en particulier de droite, au début de l'ère Sarkozy : « La proximité entre TF1 et le pouvoir sarkozyste est tellement évidente », considèrent les auteurs. Une proximité qui évolue cependant vers plus de neutralité au fil des années. Puis vers un rapprochement progressif avec les socialistes, le pragmatisme prévalant après l’arrivée au pouvoir de François Hollande : « Chacun a compris que l’un avait besoin de l’autre. »
La théorie du bonheur relatif
Enfin, très intéressante, la théorie des auteurs sur « le bonheur relatif » qui consiste à ne pas faire de lobbying pour une mesure législative favorable mais pas indispensable à la chaîne, si elle peut avoir comme effet d'être plus utile à ses adversaires. Exemple cité, celui de la seconde coupure publicitaire que Patrick Le Lay ne souhaitait pas - même si elle lui aurait rapporté beaucoup d’argent -, car elle aurait aussi permis à M6 d’arrondir ses fins de mois, elle qui en avait plus besoin que la Une.
Au final, si un observateur averti du marché y apprend finalement peu de chose, l’ouvrage se lit avec intérêt. On y trouve des anecdotes intéressantes et de nombreux éléments sur l'évolution de la chaîne, encore largement leader aujourd’hui. Une chaîne dont les auteurs font le bilan de la période Nonce Paolini en la rayant d’un trait, considérant qu’elle permet au nouveau pdg, Gilles Pélisson, de trouver une page blanche en forme de chance à saisir. Un bilan sans doute quelque peu injuste et réducteur…
Le groupe TF1 va-t-il boycotter les auteurs comme il l’a fait dans le passé avec les célèbres « Garriberts » (Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts) de Libération ? Sans doute pas. Ce qui ne signifie pas que le livre ne va pas agacer du côté de la Tour, en particulier l’ex-pdg Nonce Paolini. Mais, ça tombe bien… il est parti !
TF1, coulisses, secrets, guerres internes. Paru le 16 mars aux éditions Flammarion. 20 € en édition papier, 14,99 € en édition numérique.