Analyse - Sélection sorties du mercredi 10 juillet : les enjeux des films choisis par la rédaction
Paris - Publié le mardi 9 juillet 2019 à 13 h 14 - n° 271410« Satellifax » vous propose à titre de test, chaque mercredi et, en fonction de vos retours et pendant au moins quelques semaines, cette nouvelle rubrique. Nous souhaitons y partager avec vous nos choix cinématographiques parmi les sorties de la semaine, avec un œil de cinéphile qui se veut aussi analyste de notre industrie. Vos commentaires seraient appréciés : commentaires@satellifax.com
Anna, de Luc Besson
Avec : Sasha Luss, Helen Mirren, Luke Evans et Cillian Murphy.
Pathé Films - 1h59
• Le pitch
Toxicomane dans le monde souterrain de Moscou, vendeuse de matriochkas au marché, top-modèle logée dans un appartement parisien, tueuse implacable à la solde du gouvernement soviétique, agent double pour le compte de la CIA… Mais qui est vraiment Anna ? La jeune femme elle-même semble avoir perdu le fil. Elle devra se battre pour se défaire de l’emprise de tous ceux qui pensent la manipuler.
• Les enjeux de ce film
Derrière ce long métrage d’espionnage rétro, à la distribution modeste et à la promotion relativement discrète, se cache certainement l’enjeu économique le plus colossal de l’été. Car la véritable mission d’Anna n’est pas tant de protéger sa véritable identité que d’amortir la catastrophe industrielle provoquée par Valérian et la Cité des mille planètes pendant l’été 2017. Un peu trop sûr de sa formule, le réalisateur, producteur et scénariste Luc Besson avait décidé d’injecter entre 150 et 200 millions d’euros dans une superproduction qui a manqué sa cible partout dans le monde (sauf en France : 4 millions de spectateurs). Depuis, l’entreprise EuropaCorp bat de l’aile et vend ses actifs. Elle n’assure d’ailleurs pas la distribution d’Anna dont se charge Pathé Films. Ce nouveau long métrage signé Luc Besson, dont la production a démarré dès l’échec annoncé de son précédent film, a coûté 35 M€. C’est plus raisonnable pour EuropaCorp, mais tout de même conséquent. Luc Besson ayant depuis été la cible d’accusations d’agressions sexuelles (une première plainte concernant des faits de mai 2018 a été classée sans suite, tandis qu’une autre enquête portant sur des faits prescrits a été ouverte le 26 février 2019), son distributeur américain (Lionsgate) a choisi de sortir Anna en toute discrétion outre-Atlantique. Sa sortie en Europe - et à plus forte raison en France - devient donc cruciale pour Luc Besson et pour l’enseigne EuropaCorp. En revenant à une formule qui a fait son succès depuis trente ans, Luc Besson espère fédérer un public qui retrouvera dans Anna ce qu’il a aimé jadis chez le réalisateur. Une femme livrée à elle-même dont les charmes dissimulent la nature impitoyable… on retrouve les grandes lignes de la charpente de Nikita (1990), de Jeanne d’Arc (1999) et de Lucy (2014). Trois longs métrages capables de rassembler trois à cinq millions de Français. Pour mettre toutes les chances de son côté, Pathé Films a organisé une séance en avant-première dans 485 cinémas de France mardi 2 juillet, réunissant déjà 39 000 spectateurs. Les plus convaincus recommanderont certainement le film à leur entourage. Si l’opération fonctionne, Anna offrira une chance à EuropaCorp de redresser la barre. Dans le cas contraire, la descente aux enfers de Luc Besson et de son empire risque de s’accélérer.
Annabelle : La Maison du mal, de Gary Dauberman
Avec : Mckenna Grace, Madison Iseman, Katie Sarife et Michael Cimino.
Warner Bros. France - 1h46
• Le pitch
La poupée démoniaque Annabelle a enfin été maîtrisée et contenue dans la cave des époux Warren, spécialistes du paranormal. Un soir, Mary Ellen et son amie Daniela, deux lycéennes, viennent baby-sitter la petite Judy Warren. Fascinée par leur collection d’objets mystérieux, Daniela va maladroitement libérer Annabelle de sa prison de verre…
• Les enjeux de ce film
Chaque année, un film d’horreur destiné à un jeune public tente sa chance au mois de juillet. Parfois, c’est le succès, comme American Nightmare 4 : Les Origines qui a rassemblé plus d’un million de personnes en 2018, parfois c’est plus tiède, comme I Wish, faites un vœu qui n’a trouvé que 318 031 spectateurs l’année précédente. Cette fois, Warner bénéficie de la renommée de la franchise Conjuring, supervisée par James Wan, pour sortir Annabelle : La Maison du mal, troisième épisode du spin-off sur la poupée maléfique. C’est bien simple : à l’exception de La Malédiction de la Dame blanche, en France, jamais un épisode de cette saga supervisée par James Wan n’a manqué de rassembler plus d’un million d’entrées. Pourtant, une inquiétude subsiste. Réalisé par le scénariste des deux précédents films Gary Dauberman, Annabelle : La Maison du mal n’a pas autant séduit aux Etats-Unis qu’Annabelle en 2014 ou Annabelle : La Création du mal en 2017. En la sortant de sa boîte une troisième fois, Warner aurait peut-être trop tiré sur les ficelles de sa poupée…
Que les ados en quête de sensations fortes se rassurent : comme les six autres épisodes de la saga, Annabelle : La Maison du Mal a reçu son interdiction aux moins de 12 ans dans les salles françaises.
Vita & Virginia, de Chanya Button
Avec : Gemma Arterton, Elizabeth Debicki, Isabella Rossellini et Rupert Penry-Jones.
Pyramide Distribution - 1h50
• Le pitch
En 1922, la sulfureuse femme de lettres Vita Sackville-West rêve de rencontrer la célèbre Virginia Woolf. Quand leurs chemins se croisent enfin, un jeu de séduction s’amorce et leurs affinités intellectuelles vont vite être submergées par leur attirance sexuelle, au grand désarroi de leurs familles respectives. De cette liaison interdite naîtra Orlando, une des œuvres majeures de Virginia Woolf.
• Les enjeux de ce film
Vita & Virginia organise un véritable duel de séduction entre deux actrices de la même génération, mais pas de la même école. La brune expressive et sensuelle Gemma Arterton (Vita Sackville-West) affronte l’immense blonde inaccessible Elizabeth Debicki (Virginia Woolf), dans un duel de malice et de regards. La première est troublante, la seconde est intriguée. La première est envieuse, la seconde est convoitée. Il naît de ce ping-pong intellectuel autant que charnel une atmosphère fragile, en suspens, comme si l’ivresse du tabou transgressé engourdissait les héroïnes. Ces deux comédiennes que tout oppose restituent la dimension toxique de ce coup de foudre artistique. Deuxième long métrage de Chanya Button, Vita & Virginia a été adapté de la correspondance entre les deux artistes britanniques du début du XXe siècle.
Et aussi…
En octobre 1973, plus de 7 millions de spectateurs français se sont tordus de rire devant les facéties de Louis de Funès dans Les Aventures de Rabbi Jacob. Plus de quarante-cinq ans après sa sortie, le classique de Gérard Oury est de retour dans les salles de cinéma, offrant ainsi une occasion sans pareille de le découvrir sur grand écran à toute une génération qui ne l’a célébré qu’à la télévision. Ceux qui le connaissent déjà par cœur pourront aussi s’émerveiller devant la restauration du film, présenté dans une toute nouvelle copie en DCP 4K.
Gauthier Jurgensen