Jean-Louis Trintignant : décès de l’acteur à 91 ans
Paris - Publié le vendredi 17 juin 2022 à 17 h 33 - n° 306481Figure incontournable du cinéma et du théâtre français, Jean-Louis Trintignant est décédé vendredi 17 juin à l’âge de 91 ans, a annoncé son épouse, Marianne Hoepfner, via un communiqué transmis par son agent. L’acteur est « mort paisiblement, de vieillesse, ce matin, chez lui, dans le Gard, entouré de ses proches », a-t-elle précisé.
Voix reconnaissable entre toutes, présence magnétique teintée de mélancolie, Jean-Louis Trintignant a mené pendant plus d’un demi-siècle une immense carrière au théâtre et au cinéma. Entré dans l’histoire du cinéma avec Un homme et une femme de Claude Lelouch - Palme d’or en 1966 -, il remporte le prix d’interprétation à Cannes pour Z de Costa-Gavras en 1969 et le César du meilleur acteur pour Amour de Michael Haneke en 2012.
Ce perfectionniste était aussi un homme inquiet et réservé qui confiait avoir eu des tentations suicidaires. Ce pessimisme l’accompagne bien avant le décès de sa fille Marie, avec qui il entretenait une grande complicité. Elle est morte en 2003 sous les coups de son compagnon, le chanteur Bertrand Cantat. Ce drame n’allait plus cesser de le hanter : « J’aurais pu arrêter ma vie à ce moment-là. » Poussé par ses proches, il était remonté sur scène, trouvant une « thérapie » dans la poésie et le théâtre.
Né le 11 décembre 1930 à Piolenc dans le Vaucluse, ce fils d’industriel est élevé à la dure. Jeune homme timide, il suit à Paris les cours de comédie de Charles Dullin. Il débute sur scène en 1951, dans Marie Stuart de Schiller, et à l’écran dans Si tous les gars du monde, de Christian-Jaque (1956). Il tourne la même année au côté de Brigitte Bardot (Et Dieu… créa la femme). Au retour d’un service militaire traumatisant, qui se déroule lors de la guerre d’Algérie, le comédien repart avec Les Liaisons dangereuses. Son jeu nerveux et sensible séduit. Avec sa composition d’amoureux romantique dans Un homme et une femme, aux côtés d’Anouk Aimée, il devient l’acteur qui tourne le plus, à l’instar de Belmondo et Delon. Au total, il jouera dans quelque 120 films. Il a une prédilection pour les personnages ambigus, impénétrables, inquiétants. Il est aussi à l’aise dans les films grand public (Paris brûle-t-il ?) que dans l’avant-garde (L’Homme qui ment lui vaut l’Ours d’argent du meilleur acteur à Berlin) ou politiques, comme Z. Il tourne également en Italie, notamment dans Le Fanfaron de Dino Risi et Le Conformiste de Bernardo Bertolucci. Jean-Louis Trintignant réalise lui-même deux films, Une journée bien remplie et Le Maître-nageur, sans grand succès.
Dans les années 1980, cet anticonformiste recentre sa carrière sur le théâtre. Ce qui ne l’empêche pas de tourner quelques grands rôles au cinéma, dans Regarde les hommes tomber ou Trois Couleurs : Rouge, où il incarne un ancien juge taciturne. Après la mort de sa fille, il s’éloigne près de dix ans des plateaux de cinéma, avant de revenir en force en 2012 dans Amour de Michael Haneke, dans lequel il interprète un octogénaire confronté à la lente agonie de sa femme, jouée par Emmanuelle Riva. Il retrouve ensuite Michael Haneke pour le rôle d’un vieux bourgeois suicidaire dans Happy End, en compétition à Cannes en 2017, année où il s’offre un dernier spectacle de lectures de poèmes de Prévert, Vian et Desnos à Paris, puis en tournée. Bouclant la boucle, il retrouvait en 2019 Claude Lelouch et sa partenaire Anouk Aimée pour Les Plus Belles Années d’une vie, suite d’Un homme et une femme cinquante-trois ans après. Il avait également fait une apparition, face caméra, lors de la cérémonie des Césars 2021, où il était apparu très diminué.